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l’homme et la terre. — orient chinois

endroit s’ajoutent d’autres avantages : la profonde indentation du littoral, la fécondité des alluvions fluviatiles, la variété des produits appartenant aux deux zones, tropicale et tempérée, qui s’entremêlent dans la région. Lorsque des guerres civiles, des révolutions, des incendies, des pestilences interrompirent la vitalité puissante de Canton, c’est toujours dans le voisinage que surgit à nouveau le grand centre d’appel de la contrée.

Cette vallée du Si-kiang, dont Canton garde la porte, est la moitié orientale d’une voie historique d’importance majeure faisant communiquer l’Inde avec la Chine. Certainement les Bak, premiers envahisseurs de la Chine aux origines de l’histoire légendaire, ne poussèrent point jusque dans cette partie méridionale du « Royaume Fleuri », — le territoire décrit par le Yü-Kung est tout entier situé au nord du Yang-tse —, mais la forme du relief y avait sans aucun doute dirigé un grand va-et-vient des hommes : on sait qu’il y a deux mille années environ, un mouvement très considérable de commerce se faisait en ces provinces, que des guerres d’extermination avaient presque interdites auparavant. Au lieu de passage qui s’ouvre entre les deux versants oriental et méridional du haut plateau tibétain, les montagnes prolongeant au sud-est les grands massifs de l’Asie centrale se sont déjà notablement abaissées, et même en certains endroits se trouvent complètement oblitérées. Le relief du seuil entre le Pacifique et les mers de Siam et de Birmanie est constitué par un plateau de grès rouge de 2 000 mètres en moyenne altitude, enfermant des lacs dans ses dépressions rayées de moraines. C’est autour de ce haut seuil, descendant graduellement vers les plaines et la mer, que les fleuves puissants de l’Asie sud-orientale divergent en un éventail immense : Brahmaputra, Irrauadi, Saluen, Mekong, Ma-lung-kiang (plus bas Hung-kiang ou fleuve Rouge), Si-kiang, Yang-tse-kiang sous son appellation régionale de Kin-cha-kiang. En aucune partie de la Terre on ne voit un pareil étoilement de fleuves partant d’un même centre de ravinement.

Une route transversale, franchissant successivement toutes ces vallées à de faibles distances les unes des autres, commanderait donc autant de chemins se ramifiant vers tous les points de l’horizon, des rivages de l’Inde gangétique à ceux de la Chine orientale, et permettrait aux voyageurs d’éviter une circumnavigation de 6 000 kilomètres