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l’homme et la terre. — orient chinois

les récits eurent la même origine. Par un phénomène analogue, les traditions relatives aux empereurs de l’Occident se transformèrent pour s’adapter aux souverains de l’Orient, Terrien en cite de nombreux exemples.

En apportant leurs richesses et leurs connaissances diverses, les Bak n’avaient point négligé le premier de leurs trésors, le froment nourricier. La céréale par excellence, à laquelle s’ajouta bientôt le riz indigène, à peine moins précieux, trouva dans les bassins des deux fleuves un sol meilleur, occupant en un tenant de très vastes étendues, et c’est ainsi que la population agricole des « Cent familles », croissant par milliers et par millions et se croisant avec les aborigènes, devint cet admirable peuple chinois, qui progressa pacifiquement de siècle en siècle, augmentant incessamment son domaine vers le sud et vers l’est. Devant lui s’ouvrait le réseau des voies naturelles qui, par leur facilité d’accès pour le peuplement et la fertilité presque unique au monde du territoire qu’elles réunissaient, étaient destinées à devenir les routes historiques de la Chine. On peut tâcher de retrouver quels furent ces chemins en étudiant la carte actuelle du Royaume Fleuri, dont les traits originaires n’ont pas encore été fortement modifiés par les travaux d’art des routes et voies ferrées.

En revenant à l’angle nord-occidental de la Chine proprement dite, c’est-à-dire au coude du haut Fleuve Jaune où s’est élevée Lan-tcheu, point d’arrivée de la route naturelle ou « Porte du jade », par laquelle durent entrer tous les immigrants, on se retrouve à l’origine du chemin qui se branche peu après ; son rameau méridional conduit à la prestigieuse plaine de Tcheng-tu par une route, déjà dallée à une époque très lointaine, tandis que l’autre se dirige vers l’est et rejoint le grand coude inférieur du Hoang-ho par la vallée du Hwei-ho, évitant ainsi le détour du fleuve par les solitudes de la Mongolie. En cette dépression, la voie naturelle devenue historique se prolonge directement à l’est et se continue par le cours du bas-fleuve jusqu’à l’endroit, près de la ville actuelle de Kaï-fong, où le courant fluvial, du haut de son talus de déjection, s’épanche, tantôt à droite, tantôt à gauche, dans les plaines alluviales. Mais avant d’atteindre ce lieu où la grande voie, longue de plus d’un millier de kilomètres, se ramifie en de nombreuses sentes de campagnes alternant avec des routes citadines, la branche maîtresse avait bourgeonné en