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l’homme et la terre. — orient chinois

cessives de peuples destructeurs n’empêchèrent point la Chine de s’emplir d’habitants et de rétablir après chaque invasion les portes de communication qui la rattachent par le Kansu, la Dsungarie et les Pamir à l’Asie antérieure et à l’Europe. Cette ligne vitale contournant au sud les plateaux de la Mongolie était souvent coupée pendant les guerres ; elle reprenait sa continuité durant les heureux siècles de paix.

À l’est de la Terre des Herbes, la vaste contrée de forme quadrilatérale que limitent à l’ouest les montagnes de Khingan et dont les eaux se déversent au nord vers le fleuve Amur par le vaste arc de la Nonni et de la Sungari, au sud vers le golfe de Petchili par Liau-ho, constitue une région bien à part contrastant avec les steppes et les déserts. De grands espaces abrités par des écrans de collines contre les nuages gonflés de pluies ressemblent aux étendues mongoles, mais la plus grande partie du territoire, dit actuellement Mandchourie d’après sa population, est abondamment arrosée par les moussons, revêtue d’une riche végétation et peuplée d’animaux en foule, là où les agriculteurs n’ont pas modifié l’aspect primitif du pays. Le relief général de la Mandchourie, de même que la nature du climat et du sol ne permettaient donc guère à des pasteurs errants d’y poursuivre leur industrie, d’autant plus que la faune locale comprend un très grand nombre de loups et de félins dangereux, tigres et panthères qui souvent attaquent l’homme. La Mandchourie est par excellence un pays de chasse, et dans l’état de lutte pour la vie qui existe dans le bassin de la Sungari entre les hommes et les fauves, la religion même exige de l’adolescent qu’il apprenne à chasser : celui qui n’aide pas la société dans cette guerre à mort est tenu pour un impie[1]. D’autre part, les rivières, les lacs de la Mandchourie sont tellement riches en vie animale que des populations entières se nourrissent exclusivement de poisson, et que même plusieurs peuplades se préparent des vêtements d’été avec des peaux de saumon ornées de broderies par les femmes.

Jusqu’à une époque récente donc, les chasseurs, les pêcheurs constituaient de beaucoup la plus forte part des habitants, mais les riches campagnes bien arrosées se prêtent admirablement à la culture,

  1. Carl Hiekisch, Die Tungusen, St-Petersburg, 1879.