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origines des slaves

rières dont les buttes s’alignent çà et là sur l’horizon, mais aussi les anciens peuples mineurs et commerçants appelés Tchoudes. Ce vocable, n’ayant plus aujourd’hui que la signification de « misérable » et de « mauvais », représente dans l’imagination populaire beaucoup moins une caste, une classe ou une nation particulière qu’une race mystérieuse de gnomes ou farfadets ayant connu l’art de fabriquer les métaux et d’extraire les pierres précieuses des profondeurs de la terre.

Au commencement du moyen âge, aucun nom commun de race n’embrasse les diverses nations qui sont maintenant désignées sous le nom de « Slaves », terme dont l’origine est d’ailleurs inconnue. Peut-être dérive-t-il d’un mot, Slovo, qui a le sens de « gloire », mais il se trouve précisément que les premiers Slaves portant ce nom étaient surtout des laboureurs pacifiques, très doux, très bienveillants, pratiquant volontiers la vie en commun[1] et n’ayant aucune prétention à la réputation de guerriers et de conquérants. Plus tard seulement, par extension patriotique, ce terme a fini par signifier « renommé », « illustre », car les peuples aiment toujours à modifier la langue en la faisant servir à leur propre gloire. Il est probable que la véritable étymologie du mot « Slaves » est celle de « Parole », « Langage », exprimant ainsi l’ensemble des individus qui parlent de manière à pouvoir être compris. Puis, par une bizarre ironie du sort, ce nom de Slaves (Slavon, Schiavoni, Esclavons) devint, chez les Vénitiens puis chez tous les peuples occidentaux de l’Europe, le synonyme de captifs, « esclaves », tant les conquérants et convertisseurs chrétiens, Charlemagne tout le premier, firent de prisonniers parmi ces tribus orientales aussi longtemps qu’elles restèrent païennes et même après leur conversion ! C’est un fait reconnu des historiens[2] que le christianisme et l’esclavage, venant de l’Ouest, pénétrèrent en même temps dans les pays slaves.

Longtemps les peuplades agricoles de la Slavie restèrent inconscientes de leur parenté. Dans leurs exodes, elles ne présentent aucune cohésion et même s’éparpillent vers divers points de l’Europe. Ainsi ces Vénètes qui franchissent les Alpes, et dont on retrouve la dénomination dans la Venise (Wenedig, Venezia) actuelle, sont les frères de

  1. Palaky, Geschichte von Böhmen; P.-J. Schafarik, Geschichte der Slawischen Sprache ; L.-J. Hannusch, Wissenschaft des Slawischen Mythus.
  2. Schnitzler, Macciowski, Schafarik, Hannusch.