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l’homme et la terre. — seconde rome

s’exacerber en guerre. Au milieu du sixième siècle, l’avantage était aux Perses, qui avaient alors pour roi le fameux Khosru (Chosroès) le « Juste », le souverain studieux, le protecteur des philosophes athéniens et des lettrés hindous. Bien des fois, les artistes persans purent à bon droit sculpter sur les parois du Zagros qui regardent l’Occident des figures colossales de Khosru, dominant avec superbe les plaines de la Mésopotamie. Le « Roi des rois » continua la tradition des Darius, des Artaxerxès et de Sapor posant son pied sur le cou de l’empereur Valérien. Khosru fit également sentir sa force dans la direction de l’Orient, et même beaucoup plus loin qu’aucun de ses prédécesseurs. Tandis que ses troupes pénétraient dans la partie inférieure du bassin de l’Indus, une de ses flottes cinglait vers les côtes de Ceylan pour venger les injustices dont des marchands de Perse auraient été victimes[1]. Au Sud, les armées de Khosru, longeant la mer Rouge, atteignirent les montagnes de l’Arabie Heureuse, si rarement visitées par des conquérants. À cette époque critique où les diverses religions et sectes chrétiennes, gnostiques, mazdéennes se disputaient la prépondérance, où Mazdek prêchait ses réformes communautaires sur le plateau d’Iran, ces campagnes du roi des Perses en Arabie furent probablement pour beaucoup dans la fermentation morale qui prépara la naissance d’une foi nouvelle, à l’étonnement du monde.

Au commencement du septième siècle, les deux empires de Bysance et de Perse s’entre-heurtaient de nouveau, représentés, au moins pendant une partie de la lutte, par deux champions fameux, Khosru, deuxième du nom, et le grec Heraclius. En 616, la ruine de Constantinople semblait inévitable. Les Perses s’étaient emparés de l’Asie Mineure et de la Syrie ; ils occupaient même Alexandrie. Dans Jérusalem, ils s’étaient saisis de la « croix », le symbole par excellence du christianisme, et l’on transporta triomphalement ce trophée dans une ville de l’Azerbaïdjan. Puis les Perses, traversant toute l’Anatolie, étaient venus s’établir à Chalcédoine, presqu’en face de la Rome d’Orient, et naviguaient à travers le détroit. Les peuples du Nord, Bulgares, Avares, accouraient déjà pour prendre part au pillage : Constantinople se trouvait enfermée comme en un étau…

Les Bulgares, « la nation la plus flétrie par l’histoire, comparés

  1. J. T. Reinaud, Mémoire sur l’Inde, p. 86.