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l’homme et la terre. — barbares

moines qui se présentèrent ne fondèrent point de communautés. Les premiers que l’on vit à Rome furent amenés en visite en l’an 340 par saint Athanase. On les examina avec une curiosité mêlée de mépris, mais, pendant la génération suivante, ils devaient trouver des imitateurs en grand nombre. Saint Jérôme, qui lui-même était un moine de Bethléem, faisait des appels aux chrétiens las des mondanités des villes : « Que faites-vous dans le siècle, vous qui valez mieux que lui ?
Biblioth. Nation.
saint benoît
Dessin au trait d’une mosaïque antique,
par Camilli.
Jusques à quand voulez-vous demeurer à l’ombre des maisons ? Pourquoi restez-vous emprisonnés à l’ombre des villes pleines de fumée »[1] ?

Dès les premiers temps du nouvel ordre de choses qui suivit le régime de la Rome impériale, en 539, les moines de l’Occident se créèrent un centre d’action dont l’influence se fit sentir puissamment de siècle en siècle, souvent au service de la papauté, mais aussi fréquemment contre elle et dans la parfaite indépendance que donne la conscience de son pouvoir. Dès l’époque de la domination des Goths, Benoît fonda ce monastère de Monte Cassino qui trône superbement sur son ample colline au dessus de la ville de San-Germano : nul doute que cette position dominante n’ait contribué pour une large part à grandir la sainteté des Bénédictins dans l’imagination des hommes. « Les moines du mont Cassin mouraient tous en état de grâce », disait la croyance populaire, et de fait, l’ordre ne comptait pas moins de seize mille individus qui furent canonisés, plus du quart de tous ceux qu’énumèrent les listes hagiographiques.

Les ordres monastiques de l’Occident eurent pour la plupart une origine toute différente de celle du monachisme oriental. Tandis que les ermites égyptiens n’avaient qu’un seul désir, le salut de leur âme, et se torturaient en ce monde, poussés par le besoin maladif de souffrir, les moines occidentaux se retiraient en dehors des multitudes urbaines

  1. Gaston Boissier, La Fin du Paganisme, tome II, p. 413.