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l’homme et la terre. — barbares

ce qui se passait en ces régions lointaines du grand Nord restait inconnu des rares annalistes qui pratiquaient encore la langue latine. Le pays se trouvait divisé en un certain nombre de principautés indépendantes qui se guerroyaient et changeaient souvent de forme suivant les traités et les héritages. Au milieu du VIIe siècle on comptait sept petits États, non compris ceux que formaient les Bretons refoulés dans les Galles et dans la Cornouailles : de là le nom d’ « heptarchie » que l’on donnait à l’ensemble des royaumes anglo-saxons de l’Angleterre, nom d’ailleurs inexact, puisque nulle convention spéciale n’avait été la cause de cette division.

L’unité politique des monarchies anglaises ne se fit qu’au commencement du IXe siècle, lorsqu’Egbert, partiellement élevé à la cour de Charlemagne, agrandit son royaume de Wessex en y annexant tous les autres États anglo-saxons. Ce qui l’aida peut-être dans cette œuvre fut que tous les hommes de sa race se trouvaient alors également menacés par d’autres envahisseurs, les Danois et Normands. À leur tour ceux-ci suivaient les routes de la mer que leur avaient montrées les Angles et cherchaient à s’emparer des mêmes territoires ou, du moins, à les rétrécir à leur profit. Forcés de se ramasser sur eux-mêmes pour faire front aux pirates qui les attaquaient à l’improviste sur mille points de la côte, les Angles étaient désormais arrêtés dans leur propre expansion : ils ne pouvaient plus continuer leurs conquêtes ni en Écosse contre les Bretons refoulés et les Gaëls des hautes vallées, ni en Irlande contre les Scots et autres tribus celtiques, une nouvelle période de l’histoire commençait pour eux.


Ainsi se terminait définitivement dans les îles Britanniques la période proprement dite de la migration des Angles, comme s’était terminée celle des Vandales en Maurétanie, celle des Suèves, des Alains, des Visigoths en Espagne, des Ostrogoths en Italie et des Francs dans les Gaules. L’arrière-garde des envahisseurs germaniques consistait en Lombards et en Saxons, qui, près d’un siècle après Odoacre, en 568, franchissent les Alpes et s’emparent de la vallée du Pô — la Lombardie actuelle — ainsi que d’une grande partie du reste de l’Italie. Le roi Antharic chevauche jusqu’à Rhegium, en face de la Sicile, et, suivant une ancienne coutume, prend possession du sol, d’un coup de lance : « Jusqu’ici s’étend le royaume des Longobards !