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l’homme et la terre. — orient chinois

l’ « Étoile », ainsi nommé de la beauté de ses pâturages, est surtout remarquable et a été largement utilisé par des populations nomades. En cette région, il est si aisé de se déplacer de l’un à l’autre versant que la haute vallée de l’Ili, dite territoire de Kuldja, a été occupée par les armées chinoises et, quoique située à l’occident de la ligne du partage des eaux, fait encore partie, du moins officiellement, 1905, de l’empire du Milieu.

Les seuils du Kuldja sont, au nord du grand cirque de la Kachgarie, les premiers qui soient d’accès assez facile pour avoir servi de grand chemin à des peuples en marche. Tous les cols situés plus au sud, à travers les Pamir et le Tian-chañ, la Route du jade, celle de la soie et leurs sentiers latéraux ne peuvent jamais être utilisés que par des marchands, des pèlerins, des missionnaires : ce furent des voies de trafic et de civilisation, tandis que la route de Kuldja, et plus encore celle qui contourne le Tian-chañ au nord, furent des chemins de migration et d’invasion.

Cette dernière route, le Tian-chañ-pe-lu, — « le Chemin nord des Monts Célestes », — est l’un des traits caractéristiques dans la structure de l’Ancien Monde. En cette partie de continent, deux très larges brèches s’ouvrent à travers le rebord de hauts plateaux et de montagnes qui, sous divers noms et avec divers alignements, continuent les Pamir et les Tian-chañ jusqu’à la pointe nord-orientale de l’Asie. Cette double ouverture met ainsi en communication le versant continental tourné vers l’Océan Arctique et le Han-Haï des Chinois[1], l’ancienne mer intérieure qui s’étendait entre le Kuen-lun et l’Altaï, embrassant le Gobi et le Takla-makan, et dont le Lob-nor, le Bagrach-kul, l’Ebi-nor et tant d’autres cavités, lacustres ou desséchées, marécageuses ou efflorescentes de sel, ne sont plus que de très faibles restes. Les deux grandes portes furent de véritables détroits maritimes et en ont encore partiellement conservé l’aspect.

L’entrée méridionale, qui est le Tian-chañ-pe-lu proprement dit, n’a pas moins de 200 kilomètres en largeur entre l’Alatau dsungare, l’une des arêtes du Tian-chañ, et la chaîne parallèle du Tarbagataï : de nombreuses dépressions, des lacs parsemés au milieu de la steppe donnent toujours l’illusion d’une ancienne mer, et des roches gri-

  1. Richthofen, China.