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l’homme et la terre. — barbares

trouvait l’axe majeur du territoire gaulois. La constitution du royaume des Visigoths dans la vallée de la Garonne, avec Toulouse pour capitale, puis l’invasion des Francs dans le bassin de la Seine, avec poussée dans la direction du sud-ouest, donnèrent pour un temps la prééminence à la voie historique occidentale, de Bordeaux à la Seine par le cours moyen de la Loire. De la Guyenne à l’Orléanais par la dépression où coulent la Dronne, la Charente, le Clain, la Vienne, le chemin est facile : la contrée s’ouvre largement au va-et-vient des peuples, des armées ou marchands qui voyagent entre la péninsule Ibérique et le nord de l’Europe. Nulle part dans cette avenue naturelle ne se présente d’obstacle, montagne, marais ou solitude infertile. Même aucun seuil appréciable ne marque le passage entre les versants de Gironde et de Loire. La Charente, le fleuve intermédiaire, semble hésiter entre les deux pentes. C’est à droite et à gauche que se trouvent les régions d’accès difficile : vers l’est, les hautes terres granitiques et forestières du centre de la France, vers l’ouest, des landes, des marais, puis les âpres collines du haut Poitou, formées de granit comme le massif de la Bretagne. Le passage devait donc se faire par cette manche où, dès les origines de l’histoire, on voit les lieux d’étape se transformer graduellement en cités considérables sans changer de site. D’un fleuve à l’autre, la route s’était tracée bien avant que les Romains eussent songé à construire leur voie dallée dans la même direction. Toutefois, cette voie historique majeure ne suivait point un tracé rectiligne entre les bassins fluviaux, elle se repliait, conformément aux facilités du passage, entre les bois et dans les vallées ; puis, arrivée dans les campagnes que parcourt la Loire, elle longeait le fleuve par l’une ou l’autre rive, en prenant pour objectif le sommet de la courbe que le courant décrit vers le nord ; ce point, occupé de tout temps par une cité, l’Orléans actuelle, est le lieu de rencontre forcée de tous les voyageurs qui remontent ou descendent le fleuve avec intention de couper au plus court, et par la route la plus facile, vers les campagnes où s’unissent la Seine, la Marne et l’Oise.

La voie des nations qui, partant de la courbe d’Orléans, longe les sinuosités de la Loire pour aller rejoindre la vallée de la Saône par les passages de la Bourgogne, est moins nettement tracée que la grande voie occidentale de la Touraine et du Poitou : ou plutôt elle se décompose en de nombreuses routes secondaires en avant de la basse Saône, où