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l’homme et la terre. — barbares

verdoyantes, celles qui offraient le plus d’herbes à brouter et le plus de campements ou de villages à dévaster, indiquaient les directions à suivre. Les hordes hunniques non attardées sur les confins de la Perse et de l’Afghanistan devaient aborder le territoire d’Europe à l’extrémité méridionale de l’Oural, ou, plus au nord, par une des dépressions qui coupent la chaîne ouralienne ; après avoir pénétré dans les campagnes basses, elles se trouvaient dans l’immense hémicycle limité à l’ouest par le cours de la Volga, entre les points où se sont bâties les villes actuelles de Samara et de Tzaritzin, et il ne leur restait plus qu’à franchir le fleuve sur leurs outres gonflées et à s’emparer des fortins de bois qui se dressaient sur la haute berge.

En 372, lorsque les Huns apparurent aux bords du puissant cours d’eau, ils s’y heurtèrent contre les Alains, peuple conquérant descendu des vallées du Caucase. Mais, si vaillants que fussent ces barbares sarmates, adorateurs de l’épée nue, ils ne purent tenir devant les multitudes asiatiques. Les uns s’enfuirent pour aller demander appui à quelque nation plus puissante ou pour brigander à l’aventure, les autres, entourés de tous côtés par la masse des Huns, ne purent que racheter leur vie en grossissant la foule des envahisseurs, en se faisant Huns eux-mêmes, autant que le permettait la différence des langues et des types. Mais le contraste était si grand qu’en dépit de l’alliance forcée, les Alains, dispersés en groupes divers, se maintinrent quand même comme nationalité distincte pendant plus d’un siècle et prirent part à toutes les campagnes de migration jusque dans la péninsule d’Ibérie et jusqu’en Afrique. Enfin, les guerres, les maladies, le changement de climat, les mélanges avec cent autres peuples dans l’immense remous finirent par user ce qui restait du peuple cahoté : ses dernières familles s’éteignirent à l’écart.

Après avoir triomphé des Alains, les Huns eurent à combattre un ennemi plus puissant : les Gothons ou Goths. Cette nation, qui occupait auparavant les deux bords de la Baltique, avait graduellement reflué dans la direction du midi et, vers la fin du IIe siècle, barrait complètement le passage à tous les envahisseurs venant de l’Orient : sa puissance s’était établie de la Baltique à la mer Noire. Les Goths orientaux ou « Ostrogoths »  » s’avançaient à l’est jusqu’au Don, tandis que les Goths occidentaux ou « Visigoths » atteignaient le Danube. Ceux-ci, les plus aventurés dans le voisinage de l’empire Romain, les