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l’homme et la terre. — barbares

celle de Rome[1]. Les villages sur pilotis, les palafittes furent certainement habités en partie pendant l’invasion barbare.

Les bassins presque fermés où les nations peuvent se cantonner fortement comme en une citadelle sont un des traits caractéristiques de l’Europe centrale. À l’ouest, le premier de ces bassins est formé par l’ancien golfe que parcourt le bas Danube avant de s’épancher dans la mer Noire. Le fleuve partage cet amphithéâtre ovalaire en deux moitiés presque égales, au nord, celui de la Valaquie, dominé par la haute muraille des Carpates, au sud, la Bulgarie, qui se relève par degrés vers la chaîne des Balkans. A l’ouest, la porte du cirque était comme verrouillée par les escarpements des bords et les écueils du Danube : il eût été difficile de pénétrer dans le défilé tortueux, dépourvu de sentiers, sans villages d’abri ni champs de culture ; avant que Trajan eût construit dans cette gorge une route taillée en plein roc, on ne pouvait s’y aventurer sans péril, la barrière était si efficace que les populations communiquaient entre elles de l’amont à l’aval par les vallées tributaires du fleuve et par les cols élevés qui, de part et d’autre, entaillent les chaînes de montagnes.

De l’autre côté de ces « Portes de Fer » se développe un deuxième cirque de plaines, également enceint d’un cercle de hauteurs et traversé par le Danube en son milieu : c’est la région occupée actuellement par les Magyars et par d’autres peuples associés de gré ou de force en un même état politique. Sa fermeture d’amont, immédiatement au-dessous du confluent de la Morava, est loin de présenter les mêmes obstacles que la fermeture d’aval, et les hommes devaient aider la nature pour en rendre le passage difficile ; d’autre part, les brèches de montagnes, relativement faciles, permettaient l’accès de la grande arène intérieure, et vers le sud-ouest, du côté de la mer Adriatique, la force d’attraction exercée par la riche vallée du Pô, par le soleil et la civilisation du midi devait solliciter fortement les peuples, aider les velléités d’émigration et de conquête ; cependant la disposition géographique de la vaste enceinte eut toujours une influence considérable sur la distribution des peuples danubiens.

Une troisième contrée de l’Europe centrale, et même celle que l’on peut à bon droit considérer comme le milieu géographique du

  1. O. Graewe, Globus, 10 Marz 1904.