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routes d’europe

l’Isère ou le Léman, que des chemins tributaires de l’axe majeur formé par le Rhône, la Saône et la Seine, et par conséquent en augmentaient l’importance. Enfin les passes des Alpes centrales qui s’ouvraient plus à l’Orient pour descendre au nord dans les vallées du Rhin ou du Danube avaient pour premier désavantage d’opposer à la marche une succession de chaînes dans leur plus large épaisseur collective et de mener vers des régions de parcours plus difficile et plus tortueux. Par ces routes de la Germanie, l’étendue continentale à traverser est beaucoup plus grande que par la voie des Gaules, et la partie de la mer où l’on accède n’atteint que des contrées océaniennes se prolongeant sans limite vers les glaces du Nord.

Mais les traits extérieurs de la planète sont diversement utilisés et mis en valeur suivant les âges : les circonstances de la civilisation ambiante étant fort différentes les unes des autres peuvent agir sur un point, tandis qu’ailleurs elles restent sans effet ; un bûcher merveilleusement préparé ne brille point tant que l’étincelle ne s’en est approchée. Les grandes voies transeuropéennes eurent chacune leur période d’activité correspondant à l’initiative et à la culture des peuples qui avaient à les employer et à l’appropriation de la planète. De même que, de nos jours, les chemins de fer ne craignent plus de sous-franchir le rempart des Alpes et déplacent l’axe nord-sud du commerce européen vers l’est du territoire des Gaules, au temps de l’empire Romain une substitution analogue fit passer le trafic de la vallée du Don vers celle du Rhône. Lorsque le centre du mouvement humain se trouvait sur les bords de la mer Égée, en Grèce et en Asie mineure, les routes orientales de l’Europe avaient acquis par cela même une vertu économique de premier ordre qui manquait alors à la route occidentale des Gaules, relativement délaissée. Les voies de la Sarmatie desservaient le trafic des blés, de même que celui des métaux, de l’ambre, des fourrures, et toute l’existence politique de ces contrées orientales reposait sur cet équilibre économique de va-et-vient des denrées entre le Nord et le Sud. Mais quand le foyer de la puissance politique se fut déplacé vers l’Ouest, de la Grèce vers Rome et vers les Gaules, une rupture dut fatalement se produire. Les caravanes qui avaient été divinisées dans la personne d’Odin se trouvèrent dépossédées des bénéfices que leur avait procurés le commerce de transport pendant de longues générations ; les Goths ou tels autres peuples qui avaient pris