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l’homme et la terre. — orient chinois

Tarim) ; cependant on trouve sur les deux penchants du faîte quelques tribus aryennes et des agglomérations « tartares » très mélangées[1]. Le haut seuil de partage entre l’Occident et l’Orient n’avait donc pas été un obstacle infranchissable pour les peuples d’origine différente et pour leurs civilisations respectives.

D’après le témoignage unanime des habitants, les documents historiques et les traces laissées par des courants d’eau maintenant taris, il semble incontestable qu’à notre époque se produise en Asie centrale un assèchement du sol, ou que ce phénomène corresponde à une phase de la dessiccation définitive de notre planète, ou qu’il s’agisse d’un balancement climatique dont la période s’étendrait sur plusieurs milliers d’années. Quoi qu’il en soit de ce problème, un des plus complexes de ceux qui se présentent à l’étude du géographe, on peut affirmer que dans les temps lointains, le va-et-vient des voyages était beaucoup plus actif que de nos jours entre les deux versants asiatiques. Il n’est pas douteux que le bassin du Tarim, encore très important comme lieu de passage, fut autrefois beaucoup plus habité que dans la période contemporaine et qu’il offrait par conséquent des ressources plus abondantes au commerce de l’Occident avec l’Orient à travers le faîte de l’Asie.

Nombreuses sont les villes mortes que Sven-Hedin et autres explorateurs modernes ont découvertes au milieu des sables envahissants, en des endroits où maintenant l’homme ne pourrait trouver sa subsistance. Il est vrai que le déplacement des cours d’eau a pu, en maintes circonstances, amener la migration des habitants et l’abandon total des cités ; mais elles se seraient reconstituées ailleurs si les eaux des rivières descendues du Kuen-lun ne s’étaient partiellement taries : le même Keria-daria qui fournissait d’eau de grandes villes populeuses ayant plusieurs kilomètres de tour ne traverse plus la plaine que pendant une faible partie de l’année, et, sur la partie moyenne de son cours, là où la population se pressait sur les bords, seules quelques familles de bergers savent préserver contre les sables les points d’eau où leurs troupeaux peuvent s’abreuver.

La ville ruinée à laquelle les chameliers donnent spécialement le nom de Takla-makan, la première de celles qui ont été retrouvées

  1. Grenard, Mission scientifique dans la Haute Asie. Société de Géogr., Séance de janv. 1899.