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l’homme et la terre. — inde

dence en faveur d’une origine lointaine est telle qu’on ne peut s’arrêter un instant aux doutes de quelques écrivains. Les Hova sont des Malais : on le voit à leur visage, on le reconnaît à leurs mœurs, on l’entend à leur parler : la langue qui résonne dans les villages de la côte orientale, chez les Betsimisaraka, et dont on constate l’intime parenté avec les malais de la presqu’île méridionale de l’Indo-Chine et de Sumatra, à 4 000 ou 5 000 kilomètres de distance, est celle qui s’est répandue dans l’île entière, de l’une à l’autre extrémité, et qui s’est imposée aux insulaires de toute origine, même à ceux qui vinrent du continent voisin et, depuis, de l’Arabie et de l’Inde. Certains procédés de travail offrent le même caractère et les mêmes détails dans le monde malais et dans la grande île voisine du continent africain. Les mortiers à piler le riz ont une forme indentique, les travaux de la forge se font de la même manière ; les Sakalaves de la côte occidentale ont des barques à balancier construites exactement sur le modèle des esquifs polynésiens.

Il y eut donc migration, et très probablement il y en eut plusieurs. Les Hova ou Andriana, qui sont de nos jours la population dominante, grâce à la situation centrale qu’ils occupent et à leur supériorité de civilisation, sont de pure souche malaise : ils n’eurent cependant jamais qu’une partie du grand domaine insulaire, et leur influence resta complètement nulle sur des contrées de Madagascar où l’on parle pourtant des dialectes de la même origine linguistique, très apparentes par le vocabulaire et par la construction des phrases. Il semblerait qu’avant l’arrivée des Hova, d’autres peuples congénères eussent déjà établi leur domination dans l’ensemble de l’île et que des éléments ethniques différents, bantou, arabe, hindou, fussent venus successivement sur les rivages pour détruire l’unité première de culture à laquelle les Malgaches devaient la communauté de langage[1]. Il est même fort probable que les résidants de l’île à teint noirâtre seraient non pas des nègres de l’Afrique, mais bien des Mélanésiens, venus de l’Extrême Orient à une époque inconnue, bien antérieure à l’histoire[2].

Mais si les migrations ont été nombreuses et que d’autres Malais, même des Polynésiens aient précédé les Hova dans le peuplement de l’île, une hypothèse se présente avec une très grande force de proba-

  1. Max Leclerc, les Peuplades de Madagascar.
  2. Alfred Grandidier, Histoire physique, naturelle et politique de Madagascar ; L’origine des Malgaches.