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l’homme et la terre. — inde

nord-ouest au sud-est — une chaîne de montagnes élevées qui interrompent partout les communications entre les deux versants, et s’appuient en maints endroits sur d’assez larges plateaux où vivent des populations indépendantes, partiellement sauvages, rompant toutes relations directes entre les habitants policés des vallées divergentes. Un autre désavantage au point de vue du peuplement consiste dans la surabondance des pluies qui se déversent sur l’île et donnent à ses fleuves, souvent débordés et se ramifiant en mille courants, des rives marécageuses s’étendant au loin jusqu’à la mer en d’infranchissables fondrières.

Très longue, très montagneuse, recouverte d’une végétation touffue, l’île de Java par excellence, « Java la Grande », pourrait sembler au premier abord aussi difficile d’accès que Sumatra et son autre voisine, la massive Bornéo ; mais l’étude détaillée de la géographie locale montre combien grandes en réalité sont les différences. De deux tiers plus petite, jouissant partout d’une humidité suffisante qui nulle part ne se résout en fleuve ou en marécage, Java est aussi beaucoup mieux organisée que Sumatra ; elle est disposée de manière à présenter dans toute sa longueur une série d’anneaux ou articles indépendants, entre lesquels on peut se rendre facilement de la rive septentrionale à la rive méridionale. En diverses parties de l’île, la distance est d’une centaine de kilomètres seulement de la côte à la contre-côte, et les dépressions des seuils de partage sont très profondes : tandis que les cônes des volcans s’élèvent à deux mille, à trois mille mètres et même davantage, les passages intermédiaires atteignent des altitudes de quelques centaines de mètres seulement : ce sont comme autant de détroits séparant des massifs insulaires. Les îles qui continuent à l’est la rangée volcanique javanaise, Bali, Lombok, Soembava, appartiennent au même genre de formation que les groupes de sommets ou les pitons solitaires qui se dressent dans la grande île ; à l’ouest, les seuils sont émergés, mais à l’est, ils baignent encore dans les eaux de l’océan. Cette disposition des monts en articles distincts fut l’une des principales causes du peuplement de Java : de quelque côté que vinssent les voyageurs, du nord ou du sud, ils pouvaient pénétrer sans grande fatigue dans les campagnes de l’intérieur, entre les gigantesques volcans : ceux-ci même contribuèrent — aussi paradoxale que semble cette assertion — à rendre l’accès de l’île comparativement aisé, en brûlant les forêts naguère