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l’homme et la terre. — inde

Cambodge et l’Annam ; il y a quelque vingt siècles, lors de la propagande bouddhique, ces pays se trouvaient au contraire presqu’ « indianisés ».

À cet égard les influences hindoues avaient toute facilité de pénétration dans la Barmanie, quoique des chaînes de montagnes, des forêts, des rivières puissantes, des marécages séparent nettement les deux grandes péninsules. Les mouvements de migration et de conversion religieuse et morale ne se firent directement que pour une bien faible part ; mais la navigation, aidée par le va-et-vient de la mousson et des courants marins, mettait en communication le delta gangétique et celui de l’Irâvadi, et c’est ainsi que, pendant le cours des âges, les populations barmanes du bas-fleuve reçurent pleinement les enseignements venus de l’Inde. Cependant la Barmanie est elle-même séparée du Siam par une chaîne maîtresse qui devait retarder, en certains endroits arrêter peut-être, l’épanchement des formes hindoues de civilisation. Même les deux versants de l’arête peu élevée qui se prolonge sur une distance d’environ 1 500 kilomètres dans l’étroite péninsule malaise, du Siam continental jusqu’à la pointe de Djohor, se trouvent en maints endroits privés de relations faciles l’un avec l’autre, bien que les cols de passage soient pour la plupart d’une faible hauteur moyenne.

Dans le corps même de l’Indo-Chine, les multiples chaînes de montagnes, toutes revêtues de forêts, sont vraiment difficiles d’accès, quoiqu’elles ne s’élèvent point dans la zone des neiges temporaires, mais elles n’empêchent point les rapports de commerce ni les expéditions de guerre : l’histoire mentionne un grand nombre d’invasions qui se firent de côté et d’autre, de la Barmanie vers le Siam ou du Siam vers la Barmanie. Mais les obstacles suffisent dans cette partie du territoire pour que l’influence chinoise, descendant au sud par les vallées parallèles que parcourent les fleuves, puisse contrebalancer l’action de l’Inde, exercée par le Bengale et l’Assam ; c’est à la ligne de partage des eaux entre le Saluen et le Menam que commence, peut-on dire, la véritable « Indo-Chine ». La Barmanie, dont le nom a été rapproché, non sans cause, de celui de rahma[1], comme si ce dieu en avait pris possession lors de l’introduction de son culte, la Barmanie

  1. Eugène Burnouf, Journal des Savants, 1837, p. 120.