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lointaine que si l’écriture avait pris naissance sur les plateaux de l’Iranie.

Non seulement les migrations continuaient de l’ouest à l’est, vers le soleil levant, mais les émigrants se présentaient, comme leurs devanciers, en conquérants et en dominateurs. Les premiers envahisseurs aryens furent refoulés dans la direction de l’orient par leurs successeurs de même race, notamment vers le pays d’Ayoda ou d’Audh, dont les brahmanes occupent le premier rang parmi leurs consanguins de caste ; le fait est que cette même contrée des Sept ou des Cinq rivières qui, à l’époque des Veda, avait été célébrée comme la terre de bénédiction par excellence, finit par être considérée comme une région impure que les poètes hindous couvrent de leurs malédictions. Un long passage du Mahâbhârata, appartenant probablement à l’époque de la rédaction définitive du grand poème, avant ou après Alexandre, se rapporte aux Arattâ, les habitants réprouvés de cette partie du Pendjab, et la description qu’il en fait semble indiquer que le gros de la population s’y composait alors d’indigènes descendus des vallées de l’Himalaya. Ce qui indigne surtout le poète, c’est que dans les familles des Arattâ prévalait la règle du matriarcat, d’après laquelle l’héritage passe aux fils des sœurs[1].

Si l’on donne un fond de vérité à la légende, reproduite par Ctésias et Diodore de Sicile, qui nous montre Sémiramis faisant la conquête de l’Inde, les Assyriens furent peut-être au nombre des envahisseurs de la Péninsule. En tout cas, il est certain que les Perses prirent pied dans les plaines qui s’étendent par delà le Paropamisus. Hérodote décrit les riverains de l’Indus comme des sujets fidèles de Darius. Quoique le pays occupé par eux fût bien peu considérable en proportion des autres domaines immenses du « Grand roi », la part d’impôts qu’ils payaient, soit 760 talents d’or, devait représenter environ un tiers du revenu total de la Perse. Il est probable que ces trésors n’étaient pas apportés en tribut par les seuls habitants de l’Heptapotamie, et que les populations des campagnes plus lointaines contribuaient aussi à ces envois de riches présents pour acheter la faveur du puissant souverain[2]. Ainsi la partie de l’Inde à travers laquelle pénétra l’armée d’Alexandre était déjà soumise à l’Ira-

  1. Vivien de Saint-Martin, Géographie grecque et latine de l’Inde, pp. 402 à 410.
  2. E. H. Bunbury, History of ancient Geography, vol. I, p. 226.