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hindous et babyloniens

de l’un à l’autre idiome en se modifiant suivant les parlers respectifs : les mots qui désignent le taureau, le lion, la corne, l’or, la vigne dans la langue aryenne primitive paraissent être d’origine sémitique, c’est-à-dire babylonienne ; tandis que le paon, le singe, l’éléphant, le bois de sandal, la cannelle ont en sémitique des noms d’origine hindoue[1].

Le style architectural des Hindous concorde également dans ses traits primitifs avec celui des Babyloniens : les plus anciens temples de l’Inde septentrionale sont des pyramides à étages, ne différant que par leur couronnement des montagnes artificielles de la Mésopotamie. Or, cette ressemblance, que l’on ne trouve pas à un égal degré entre les monuments des plaines d’Iranie et ceux des plaines de Chaldée, doit s’expliquer encore par des relations de navigation commerciale entre les ports du golfe Persique et ceux des rivages indiens. Comparée à la route de terre, si difficile à suivre dans les régions désertes et dans les terrains montagneux, la route de mer, que pouvaient emprunter facilement maçons et ingénieurs, avec leurs outils, leurs plans, leurs matières premières, est évidemment celle qui se prêtait le mieux au transport des procédés d’art et de construction. La voie historique par laquelle se fit la jonction entre le monde babylonien et celui de l’Inde est la route par eau unissant les bouches de l’Euphrate à celles de l’Indus.

Mais lorsque les porteurs des chants védiques descendirent dans la plaine des Sept rivières, à une époque de trente-six ou trente-sept siècles avant nous, ils n’avaient point encore connaissance des voies commerciales qui unissaient la mer Persique à celle de l’Indus ; ils ignoraient même le cours inférieur du fleuve au bord duquel ils étaient campés. Et cependant, eux aussi chantaient la mer et les combats des marins contre la violence des flots. Les hymnes du Rig-veda parlent souvent de la samudra, en mémoire de la Caspienne, dont leurs ancêtres avaient habité les rivages. Il est vrai que, pendant la longue durée du temps employé par les générations successives d’émigrants à leur voyage de l’Hyrcanie vers l’Inde, les Aryens orientaux, ayant cessé de voir la mer, ne pouvaient plus s’en faire aucune idée réelle et la confondaient dans leurs nouveaux chants avec la

  1. Fritz Hommel, Von Ihering, etc.