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l’homme et la terre. — inde

à une caste supérieure. Quatrefages[1] voit en eux les descendants des Negrito croisés avec des conquérants de race aryenne. Ollivier Beauregard croit que les Veddah sont le reste d’une ancienne colonie malaise qui, après s’être mélangée avec les indigènes dravidiens et en avoir appris la langue, aurait été graduellement refoulée dans les forêts par les envahisseurs aryens : c’est de leur hérédité malaise qu’ils auraient gardé l’amour invétéré du commerce.

Quoi qu’il en soit, l’étude des premières annales de l’Inde nous ramène à une période de l’histoire pendant laquelle les populations de la Péninsule n’étaient pas moins diverses qu’elles le sont de nos jours ou même l’étaient davantage. Outre les tribus sauvages et les peuplades déchues qui s’étaient retirées dans une citadelle de montagnes ou dans l’épaisseur des forêts, des races policées avaient aussi leurs représentants. Presque tous les types humains se rencontrent dans l’Inde méridionale : tels indigènes ressemblent à des nègres, à des Australiens, à des Malais, à des Juifs portugais ou polonais ; du noir au blanc on observe toutes les nuances de la peau. Mais, à en juger par les idiomes, la grande masse de la population se composerait de nations parentes les unes des autres auxquelles on a donné le nom de Dravidiens ou Draviriens. Les anthropologistes s’accordent en général à dire qu’il ne faut point voir en eux des aborigènes de la Péninsule, et qu’ils émigrèrent des contrées du nord-ouest, comme le firent après eux les Aryens : ils se rattacheraient aux Brahni du Balutchistan, mais aux temps de la protohistoire hindoue, ils étaient déjà établis depuis longtemps dans les provinces du sud, entourant comme une mer les îlots des kohlariens et autres vaincus. Il est probable qu’avant les invasions aryennes, les Dravidiens les plus puissants furent ceux dont les descendants parlent le telugu, « l’italien de l’Inde », dans le Maisur et le Coromandel, et qui possèdent la plus riche littérature de l’Inde méridionale en chansons, en contes, en proverbes ; ce sont ceux auxquels les missionnaires catholiques donnèrent dans les premiers temps le nom collectif de Gentoux, comme s’ils étaient les « gentils » ou païens par excellence. L’étude de leur langue a prouvé aux historiens que, bien avant l’action modificatrice du sanscrit, le telugu possédait un vocabulaire très riche en termes relatifs aux industries. Fort policés

  1. Introduction à l’Étude des Races Humaines, pp. 347 à 349.