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l’homme et la terre. — orient chinois

point dans son ensemble une diversité de types supérieure à celle des nations occidentales, unifiées par une longue durée de relations étroites. L’unité du peuple japonais se prépare depuis de longs siècles de manière à le mouler, pour ainsi dire, sur la nature ambiante, à lui donner un caractère harmonique à celui de son milieu. Le Japon est une terre privilégiée et par cela même les Japonais en ont physiquement et moralement profité. Le climat est tempéré, le sol fertile, la nourriture variée, la vie agréable en des sites de beauté grandiose ou charmante. Parfois cependant les scènes champêtres sont brusquement troublées, des volcans lancent des nuées de cendres sur les campagnes, les plaines tremblent et se crevassent, la mer se précipite en ras de marée sur les rivages ; à la douceur et à la gaîté naturelle des indigènes s’ajoutent parfois des traits d’horreur tragique : l’histoire du Japon est remplie de drames qui témoignent de la pensée dominante de la mort, rendue toujours présente par les avertissements de la terre elle-même, tremblant et gémissant sous les pas. Les brusques secousses et les déchirures du sol contribuent aussi certainement à la puissance du mysticisme japonais, à la ferveur du culte rendu aux ancêtres et aux esprits.

Les Japonais se vantent de la ténacité avec laquelle ils observent les coutumes laissées par les aïeux, tout en leur donnant, conformément au progrès, une interprétation nouvelle. Si l’on en croit les annales légendaires, la dynastie impériale actuelle aurait vingt-cinq siècles et demi de durée : la famille régnante serait descendante en ligne directe de Lminu Tenno, le « divin conquérant », issu des dieux créateurs du monde ; cent vingt-trois empereurs se seraient succédé sans interrègne de génération en génération, depuis les temps préhistoriques, car les neuf premiers siècles durant lesquels auraient régné les « fils du Soleil » ne sont connus d’une manière authentique par aucun fait précis : on n’en raconte que des prodiges. L’histoire proprement dite ne commence pour le Japon que seize cents ans avant notre époque, lorsque l’écriture chinoise fut introduite dans le pays. L’empire romain était alors en pleine décadence, et le monde moderne occidental allait se constituer avec une religion nouvelle et des éléments nouveaux. Les deux régions extrêmes de l’Orient et de l’Occident se développaient parallèlement, quoique sans relations directes l’une avec l’autre ; mais, par l’intermédiaire de la Chine et par les