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l’homme et la terre. — orient chinois

produisait en Chine resta, jusqu’à la période bouddhique, très faiblement influencé par le monde extérieur. En Occident, au contraire, la grande variété des formes géographiques facilitait le contact entre les divers peuples, arrivé chacun à un degré différent de culture, et il devait en résulter pour l’ensemble une beaucoup plus grande mobilité d’allures. En empruntant des expressions à la physique, on peut dire que la civilisation orientale et celle de l’Occident étaient animées, la première d’un mouvement centripète, la seconde d’un mouvement centrifuge.

Cependant des communications devaient s’établir quand même, d’une extrémité du monde à l’autre, par le lent va-et-vient des contes, des légendes, des récits de peuple en peuple, et des échanges de produits. Les découvertes faites depuis quelques années, — ainsi de pièces romaines dans le Chan-si —, et l’examen plus intelligent d’anciens documents et trouvailles jettent quelque lumière sur le commerce qui se pratiquait entre les empires de Rome et de la Chine. On exportait d’Asie du fer et des soieries, mais la loi de l’offre et de la demande exerçait déjà ses effets : pendant longtemps, les Romains reçurent les soies teintes et tissées, puis, sous Auguste, nous dit-on, les patriciens constatant que la teinture chinoise n’était pas aussi brillante que celle que les Alexandrins pouvaient obtenir, se mirent à acheter la soie grège au loin et la firent teindre en Égypte. On a même trouvé en Chine des étoffes de soie qui, par leur dessin, se révèlent de fabrication occidentale. Plus tard, au contraire, le tisseur chinois s’adapte aux désirs de la clientèle romaine ; on possède des soieries trouvées les unes à Antinoé, les autres dans le temple de Nara, au Japon, et qui portent la même ornementation : les blancs avaient fourni le modèle, les jaunes, la main-d’œuvre. D’un autre côté, les Chinois importaient tapis, verreries et porcelaines. Ce n’est point eux qui créèrent cette dernière industrie, mais, tandis que les Syriens en perdaient le secret, les Orientaux la perfectionnaient à tel point que leur production en porcelaine fine resta inégalée jusqu’à nos jours[1].

Même dans l’histoire écrite, des faits bien établis prouvent que des échos directs retentissaient entre les deux centres de la Médi-

  1. P. G. M. Stenz, Globus 1903, I, p. 294. — E. Guimet, Société Normande de Géographie, 1898, p. 9. — Symboles Asiatiques trouvés à Antinoé, p. 8.