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Parfois, quand on nous raconte les guerres lointaines, d’effrayants épisodes nous rappellent quelle était la vie de nos ancêtres troglodytes, quelle serait la nôtre s’ils ne nous avaient préparé des jours plus heureux que les leurs. Des tribus poursuivies se sont réfugiées dans la caverne qui servait de demeure commune à leurs aïeux, et ceux qui les traquaient, barbares ou prétendus civilisés, noirs ou blancs, vêtus de peaux de bêtes ou d’uniformes brodés de décorations, n’ont trouvé rien de mieux que d’enfumer les fuyards en allumant de grands feux à l’entrée de la grotte. Ailleurs, les malheureux enfermés ont dû se repaître les uns des autres, puis mourir de faim en essayant de ronger quelques restes d’ossements. Par centaines, les cadavres sont restés étendus sur le sol, et pendant de longues années on a pu voir grimacer leurs squelettes, avant que l’eau tombée des voûtes ne les eût cachés sous un manteau de blancs stalagmites. Symbole du temps qui modifie toutes choses, la goutte, chargée de la pierre