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le séjour de l’homme sur les bords du fleuve et des ruisseaux qui s’y déversent. Comme au temps du plésiosaure, la terre et l’eau se confondent en une sorte de chaos : des bancs de vase, des îlots émergent çà et là, mais à peine distincts de l’eau qui les pénètre, ils brillent comme elle et reflètent les nuages de l’espace ; des nappes liquides s’étalent entre ces îlots, mais elles se mêlent à la boue du fond : ce sont elles-mêmes de la fange, plus fluides seulement que la vase des rives. De toutes parts on est environné de terres en formation et cependant on se trouve déjà comme au milieu de la mer, tant la surface du sol est unie et l’horizon régulier. C’est qu’en effet tout l’espace embrassé par le regard était autrefois la mer. Le fleuve l’a comblé peu à peu ; mais le sol récemment déposé n’est pas encore affermi ; sans d’immenses travaux d’assèchement, il ne saurait même être approprié au séjour de l’homme, puisque les miasmes mortels s’échappent de ses boues et de ses eaux corrompues.