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Enfin le sapin vient de tomber lourdement sur le sol en brisant dans sa chute les branches des arbres voisins. Les bûcherons entourent le colosse renversé ; ils en coupent les rameaux et la partie flexible de la tige, puis, quand ils en ont fait une bille nue, ils le traînent au bord d’un de ces couloirs qui rayent le flanc de la montagne et par lesquels s’écroulent les neiges de l’hiver et les pierres désagrégées. Des centaines, parfois des milliers de troncs sont amenés successivement assez près du précipice pour qu’une simple poussée suffise à les lancer sur la pente.

Dès que les préparatifs sont achevés, la glissade commence : les troncs se mettent en mouvement sur le plan incliné ; d’abord lents, puis animés d’une vitesse de plus en plus grande, ils achèvent la dernière partie de leur course avec une rapidité vertigineuse, et, souillés de boue, dépouillés de leur écorce, entraînant avec eux des tourbillons de pierres, ils plongent dans le pro-