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gorges des montagnes. Au lieu de se laisser bercer doucement par le cours d’eau tranquille d’une eau sinueuse, il faut qu’ils disciplinent le torrent sauvage, qu’ils musèlent ce monstre furieux et tantôt qu’ils l’arrêtent, tantôt le poussent en avant. Le danger les menace à chaque heure, et, s’ils évitent la mort, ce n’est que par la force, la souplesse, la gaieté, un héroïsme continuel. L’endroit même où ils travaillent a quelque chose de terrible, non durant l’été, sous le rayon du soleil qui dore les feuilles des arbres et fait sourire jusqu’à l’horreur des précipices ; mais dans la froide automne, quand les nuages passent en courant au-dessus des sombres ravins et laissent aux cimes des montagnes leurs lambeaux déchirés, quand le vent déjà glacé s’engouffre avec fracas dans les vallées étroites, et, comme un long tonnerre, va mugir au loin d’écho en écho. Là-haut, sur les sommets, s’étend la neige fraîchement tombée, et souvent les brouillards qui rampent sur le penchant des monts laissent derrière