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goujon. Fort de ses douloureuses expériences négatives, il affirmait même que la capture d’un poisson était impossible et que toutes les histoires de pêches, miraculeuses ou autres, étaient de l’invention des mystagogues et des romanciers. Et pourtant, dès qu’il avait une heure de répit, ce sceptique, cet homme dévoué au malheur, saisissait sa ligne et, sans désillusion, sans naïf regain d’espoir, il jetait son hameçon au milieu des poissons moqueurs qui se jouaient en rôdant autour de l’inoffensif appeau.

En revanche, il est des pêcheurs qui semblent fasciner le poisson, l’attirer invinciblement. Le public badaud qui les regarde croit qu’ils exercent une sorte de magnétisme sur leur proie comme la couleuvre sur la grenouille ; on raconte que truites et carpillons, entraînés en dépit d’eux-mêmes, vont mordre le hameçon fatal. Il n’en est point ainsi, car c’est à force de science que ces pêcheurs sont devenus pour nous des espèces de magiciens ordonnant aux victimes de marcher en proces-