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attend qu’un poisson malavisé veuille bien mordre à son hameçon. Rien ne peut le détourner de son œuvre ; d’un regard aigu, il perce l’eau profonde ; il voit l’imperceptible reflet luire vaguement sur une nageoire mal enfouie dans le sable, il distingue la marche du vermisseau sous la vase, il pressent, à certains frémissements de l’eau, le poisson caché sous l’herbe et qu’il ne voit pas encore ; il interroge à la fois les rides et les remous, les stries du courant et les souffles de l’air ; attentif à tous les bruits, à tous les mouvements, il promène sa ligne sur le fond ou la fait voleter à la surface, suivant les conseils que lui donnent les génies de la nature assemblés autour de lui. En si bonne compagnie, que lui importent les profanes ! Il ne daigne seulement pas leur lancer un regard, bien mieux employé à deviner le poisson dans sa retraite. Un jour, un aéronaute, enchevêtré dans les cordages de la nacelle, à demi-asphyxié par le gaz qui s’échappait de son ballon dégonflé, tomba au beau milieu