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sorte de rêve ; il me semble même que je suis devenu partie du milieu qui m’entoure ; je me sens un avec les herbes flottantes, avec le sable cheminant sur le fond, avec le courant qui fait osciller mon corps ; je regarde avec une sorte d’étonnement les arbres qui se penchent au-dessus du ruisseau, les trouées de ciel bleu qui se montrent à travers le branchage, et le profil nettement dessiné des montagnes que j’aperçois à l’horizon lointain. Tout ce monde extérieur est-il bien réel ? Moi aussi, comme le pêcheur de la légende, je vois la sirène merveilleuse me faire signe du doigt, je me sens attiré par son regard qui fascine, et j’entends résonner l’écho de son chant doux et perfide. « Ah ! viens, viens avec moi et nous serons heureux. » Parfois je suis tenté d’envier le jeune homme qui cède à l’appel de la sinueuse ondine et dont la chevelure flottante va se mêler à celle des limons verts. Mais je sais qu’en se débarrassant des amers soucis de la vie, son existence elle-même va s’éteindre sous les caresses de