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sous l’impulsion du courant ! Ensuite, je me laisse emporter encore, et m’en vais échouer comme une épave sur un banc de sable où les cristaux de mica brillent comme des paillettes d’or et d’argent. Sous la pression de mon corps, le banc se creuse, les grains de silice, les petits cailloux se déplacent ; des courants partiels, de faibles remous tourbillonnent autour de moi comme autour d’un îlot ; nonchalamment accoudé, j’assiste au gracieux spectacle que m’offrent, au-dessous de la mince couche liquide, les transformations du banc de sable, rongé d’un côté pare le courant et grandissant de l’autre par un apport incessant d’alluvions.

Parfois aussi le fond sur lequel le flot m’entraîne est revêtu d’une forêt d’herbes vertes, oscillant en molle sinuosités ; elles me caressent, elles m’enlacent et me font un lit charmant. Est-ce l’eau, est-ce la chevelure onduleuse des plantes qui me soulève ainsi et me fait flotter à la surface du ruisseau ? Je ne sais, du reste ma pensée se perd dans une