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son élément ; chacun de nous, si les conventions et les faussetés de la vie ne l’ont pas entièrement corrompu, peut retrouver les joies de sa jeunesse en laissant ses habits sur la berge. Quant à moi, je l’avoue, je suis encore enfant quand je m’élance dans le ruisseau bien-aimé. Après avoir satisfait mon premier enthousiasme en traversant à diverses reprises les bassins profonds où tournoient les eaux, puis en essayant de remonter les rapides et en soulevant autour de moi tout un chaos de vagues entre-choquées, je me repose et me laisse aller tranquillement au bonheur de vivre dans cette eau douce et caressante. Quelle joie de m’asseoir sur une pierre au-dessous de la nappe de la cascade, de sentir les flots ruisseler sur moi comme sur un rocher et de me voir disparaître sous un manteau d’écume ! Quel plaisir aussi de me laisser entraîner par les eaux du rapide jusqu’à un écueil où je m’accroche d’une main, tandis que le reste de mon corps, soulevé par les vagues, flotte çà et là