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mes comme perdus dans un abîme grondant qui se referme. Toutefois, en un clin d’œil, chacun de nous a repoussé du pied le fond du lit et revient à la surface ; mais, pour ma part, je ne cesse de me débattre contre l’étreinte glaciale de l’eau dans laquelle je suis plongé : je nage en désespéré comme pour échapper au courant qui me poursuit ; une fois encore, pour l’acquit de ma conscience, je me submerge en entier ; puis, satisfait d’avoir accompli mon devoir, je me précipite vers la berge, que j’escalade à la hâte, j’essuie mon corps rougi par le froid, et je me glisse rapidement dans mes habits encore chauds. À mon agitation inquiète succède la tranquillité d’âme : au prix d’une souffrance de quelques instants, je suis devenu plus fort, plus dispos, plus heureux, et je promène un regard fier sur ce courant rapide et noir, qu’une minute auparavant je voyais avec une sorte de terreur.

Bien plus agréable, je l’avoue, est le bain froid lorsqu’on le prend en plein été dans