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meaux recourbés par le poids de leurs feuilles. Que de fois, déjà devenu jeune homme et cherchant la solitude, je me suis assis sur le siège que m’offrait l’écartement des branches et me suis penché au-dessus du flot en laissant mes jambes se balancer dans le vide ! Là, je pouvais à mon aise trouver la joie de vivre ou m’abandonner en paix à la tristesse. Du haut du belvédère branlant, je suivais des yeux le fil de l’eau, les petits remous du courant, les îles et les îlots d’écume, tantôt isolés, tantôt groupés en archipels, les feuilles tournoyantes, les longues traînées d’herbe, les pauvres insectes submergés et se débattant en vain contre l’inexorable flot. De temps en temps, mon regard entraîné lui-même à la dérive comme tous ces objets flottants se reportait plus haut pour se laisser entraîner encore avec une nouvelle procession de roseaux et de flocons d’écume. Joyeux ou mélancolique, je me laissais fasciner ainsi par le courant, symbole de ces flots qui nous roulent tous