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bords : c’est un rhythme, une musique pour le regard.

D’ailleurs, la régularité des courbes n’est point mathématique ; les méandres varient de forme à l’infini suivant la nature des terrains, la déclivité du sol, la violence du courant, les débris roulés sur le fond du lit. Entre les parois de rochers, les angles sont faiblement arrondis, les tournants soudains ; l’eau, impuissante à sculpter profondément les assises de la pierre, revient brusquement sur elle-même : dans les montagnes surtout, là où la pente du lit est très-considérable, le torrent enfermé dans les défilés se jette de droite et de gauche par élans successifs, comme un animal poursuivi qui cherche à déjouer le chasseur. Dans la plaine, les berges consolidées par les racines des grands arbres résistent aussi pendant longtemps à l’action du courant, et dans maints endroits le canal du ruisseau n’offre que de faibles sinuosités sur une longue étendue : en se retenant de la main à une forte branche et en