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LES NUAGES.

Pour nous, malheureux citadins, qui sommes condamnés à une atmosphère souillée, qui recevons dans nos poumons un air tout chargé de poisons, respiré déjà par des multitudes d’autres poitrines, ce qui nous étonne et nous réjouit le plus, quand nous parcourons les hautes cimes, c’est la merveilleuse pureté de l’air. Nous respirons avec joie, nous buvons le souffle qui passe, nous nous en laissons enivrer. C’est pour nous l’ambroisie dont parlent les mythologies antiques. À nos pieds, loin, bien loin dans la plaine, s’étend un espace brumeux et sale où le regard ne peut rien discerner. Là est la grande ville ! Et nous pensons avec dégoût aux années pendant lesquelles il nous a fallu vivre sous cette nappe de fumée, de poussière et d’haleines impures.

Quel contraste entre cette vue des plaines et l’aspect de la montagne, lorsque la cime en est dégagée de vapeurs et qu’on peut la contempler de loin à travers la lourde atmosphère qui pèse sur les terres basses ! Le spectacle est beau, surtout lorsque la pluie a fait tomber sur le sol les poussières flot-