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LES ÉBOULIS.

les entassements prodigieux de rochers qui, depuis ce combat, jonchent au loin les plaines.

Quelquefois l’homme, en dépit de sa faiblesse, a essayé d’imiter la montagne, et cela pour écraser d’autres hommes comme lui. C’est aux défilés surtout, aux endroits où la gorge est étroite et dominée par des escarpements rapides, que se portaient les montagnards pour faire rouler des blocs sur les têtes de leurs ennemis. Ainsi les Basques, cachés derrière les broussailles sur les pentes de la montagne d’Altabiscar, attendaient l’armée française du paladin Roland qui devait pénétrer dans l’étroit passage de Roncevaux. Lorsque les colonnes des soldats étrangers, semblables à un long serpent qui glisse dans une lézarde, eurent rempli le défilé, un cri se fit entendre, et les roches s’écroulèrent en grêle sur cette foule qui se déroulait en bas. Le ruisseau de la vallée se gonfla du sang qui, des membres écrasés, s’écoulait comme le vin d’un pressoir ; il roula les corps humains et les chairs broyées comme il roulait les pierres en temps d’orage. Tous les guerriers francs périrent, mêlés les uns aux autres en