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LA DESTRUCTION DES CIMES.

quels s’étaient effondrées les couches supérieures de neiges, paraissait transformé en un fleuve d’encre, tant ses eaux étaient chargées de débris ; c’était une énorme masse de fange en mouvement. Au lieu du son clair et joyeux que j’étais accoutumé d’entendre, le torrent rendait un mugissement continu, celui de tous les décombres entre-choqués roulant au fond du lit. C’est au printemps surtout, à l’époque annuelle de la rénovation terrestre, que l’on voit s’accomplir ce prodigieux travail de destruction.

En outre, un immense travail invisible se fait dans la pierre elle-même. Tous les changements causés par les météores ne sont que des modifications extérieures ; les transformations intimes qui s’accomplissent dans les molécules de la roche ont, par leurs résultats, une importance au moins égale. Tandis que la montagne se délite en dehors et change incessamment d’aspect, elle prend à l’intérieur une structure nouvelle, et les assises mêmes se modifient dans leur composition. Pris en son ensemble, le mont est un immense laboratoire naturel, où toutes les forces physiques