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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

est le plus facile de gagner le point culminant du mont, car on évite ainsi les crevasses cachées sous la surface unie des neiges ; là, le pied peut se poser fermement sur le sol, tandis qu’à la force des bras on se hisse facilement, de degré en degré, dans les parties escarpées. C’est par là que je faisais presque toujours mon ascension, lorsque, m’éloignant du troupeau et de mon compagnon le berger, j’allais passer quelques heures sur le grand pic.

Vue à distance, à travers les vapeurs bleuâtres de l’atmosphère, l’arête de granit paraît assez uniforme ; les montagnards, pratiques et presque grossiers dans leurs comparaisons, lui donnent le nom de peigne ; on dirait, en effet, une rangée de dents aiguës disposées régulièrement. Mais au milieu des rochers eux-mêmes on se trouve dans une sorte de chaos : aiguilles, pierres branlantes, amoncellements de blocs, assises superposées, tours qui surplombent, murs s’appuyant les uns sur les autres et laissant entre eux d’étroits passages, telle est cette arête qui forme l’angle du mont. Même sur ces hauteurs, la roche est presque partout recouverte, comme par une espèce