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LES GÉNIES.

nation ne fit vivre des êtres supérieurs dans les vallées mystérieuses et sur les sommets rayonnants. Il est vrai que ces êtres n’avaient pas droit au titre de dieux ; maudits par l’Église, ils se transformaient en diables, en démons malfaisants, ou bien, tolérés par elle, ils devenaient des génies tutélaires, des dieux de contrebande, invoqués seulement à la dérobée.

Jupiter, Apollon, Vénus, étaient descendus de leurs trônes, ils s’étaient réfugiés dans le fond des antres ; eux dont les faces augustes avaient rayonné dans la lumière, étaient condamnés à vivre désormais dans les ténèbres des cavernes. Les fêtes de l’Olympe s’étaient transformées en sabbats où les sorcières hideuses allaient, à cheval sur un balai, évoquer le diable pendant les nuits d’orage. D’ailleurs, le froid climat, le ciel nuageux de nos contrées du nord devaient contribuer aussi pour une forte part à la réclusion des anciens dieux. Comment auraient-ils pu, sous le vent et la neige, au milieu des tourmentes, continuer leurs banquets joyeux, savourer l’ambroisie et jouer de la lyre d’or ? À peine pouvait-on