Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/269

Cette page a été validée par deux contributeurs.
260
HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

qui l’a fait regarder en suppliant vers les neiges, mères des ruisseaux ; la reconnaissance aussi a fait des adorateurs de ceux qui ont trouvé un refuge assuré dans la vallée ou sur le promontoire escarpé ; enfin, l’admiration devait saisir tous les hommes à mesure que le sentiment du beau se développait en eux, ou même tant qu’il sommeillait à l’état d’instinct. Or, quelle est la montagne qui n’a pas à la fois de beaux aspects et des asiles sûrs, et qui n’est pas ou terrible ou bienfaisante, presque toujours l’une et l’autre en même temps ? Les peuples, se déplaçant de par le monde, pouvaient facilement rattacher toutes leurs traditions à la montagne qui dominait leur horizon et y reporter leur culte. À chaque station de leurs grands voyages se dressait un nouveau temple. Jadis les tribus errantes sur les plateaux de la Perse voyaient toujours, vers le soir, une montagne surgir du milieu des plaines poudreuses : c’était le mont Télesme, le divin « Talisman » qui suivait ses adorateurs dans leurs pérégrinations à travers le monde. Et quand, après une longue migration, la montagne aperçue dans le loin-