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L’ADORATION DES MONTAGNES.

gne d’Ararat, ne voit sur le sommet du pic d’Adam que la trace du pied de Satan, l’éternel ennemi. Enfin, les voyageurs anglais qui, de plus en plus nombreux, font chaque année l’ascension de la sainte montagne, ne voient, dans la « divine empreinte », qu’un trou vulgaire agrandi et grossièrement sculpté en creux. Mais aussi, de quel mépris ces étrangers sont-ils couverts par les pèlerins convaincus qui vont se prosterner sur la cime, baiser dévotement la trace du pied, et déposer leurs offrandes dans la maison du prêtre ! Tout leur semble témoigner de l’authenticité du miracle. À quelques mètres au-dessous de la cime jaillit une petite source : c’est le bâton du dieu qui l’a fait s’élancer du sol. Des arbres en foule croissent sur les pentes, et ces arbres, ils le voient ainsi du moins, inclinent tous leurs branchages vers le sommet pour végéter et grandir en l’adorant. Les roches du mont sont parsemées de pierres précieuses : ce sont les larmes qui se sont échappées des yeux d’un dieu à la vue des crimes et des souffrances des hommes. Comment ne croiraient-ils pas