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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

C’est dans les vallées des grands monts de l’Asie centrale, disent les savants, que ceux de nos ancêtres auxquels nous devons nos langues européennes arrivèrent à se constituer pour la première fois en tribus policées, et c’est à la base méridionale des plus hauts massifs du monde entier que vivent les Hindous, ceux des Aryens auxquels leur antique civilisation donne une sorte de droit d’aînesse. Leurs vieux chants nous disent avec quel sentiment d’adoration ils célébraient ces « quatre-vingt-quatre mille montagnes d’or » qu’ils voient se dresser dans la lumière, au-dessus des forêts et des plaines. Pour des multitudes d’entre eux, les grandes montagnes de l’Himalaya, aux têtes neigeuses, aux grands ruissellements de glace, sont les dieux eux-mêmes, jouissant de leur force et de leur majesté. Le Gaourisankar, dont la pointe perce le ciel, et le Tchamalari, moins haut, mais plus colossal en apparence par son isolement, sont doublement adorés, comme la Grande Déesse unie au Grand Dieu. Ces glaces sont le lit de cristaux et de diamants, ces nuages de pourpre et d’or sont le voile