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L’ADORATION DES MONTAGNES.

séjour des immortels ! Mais un nuage méchant vint soudain fermer l’issue par laquelle j’avais contemplé la montagne. Je me retrouvai de nouveau dans le vent, la brume et la pluie ; je me consolai en disant : « Un Dieu m’est apparu ! »

À l’origine des temps historiques, tous les peuples, enfants aux mille têtes naïves, regardaient ainsi vers les montagnes ; ils y voyaient les divinités, ou du moins leur trône, se montrant et se cachant tour à tour sous le voile changeant des nuages. C’est à ces montagnes qu’ils rattachaient presque tous l’origine de leur race ; ils y plaçaient le siège de leurs traditions et de leurs légendes ; ils y contemplaient aussi dans l’avenir la réalisation de leurs ambitions et de leurs rêves ; c’est de là que devait toujours descendre le sauveur, l’ange de la gloire ou de la liberté. Si important était le rôle des hautes cimes dans la vie des nations, que l’on pourrait raconter l’histoire de l’humanité par le culte des monts ; ce sont comme de grandes bornes d’étapes placées de distance en distance sur le chemin des peuples en marche.