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LE CRÉTIN.

faut y creuser des espèces de cheminées, à travers lesquelles ne descend qu’un blafard reflet du jour. Dans ces caves, le jour lui-même ressemble à une nuit du pôle.

Est-il étonnant qu’en de pareilles demeures naissent des enfants scrofuleux, rachitiques, contrefaits ? Dès la première semaine, nombre de nouveau-nés sont secoués par de terribles convulsions auxquelles la plupart succombent ; dans certains pays, les mères s’attendent si bien à la mort de leurs enfants, qu’elles ne les croient pas encore nés tant qu’ils n’ont pas franchi le redoutable défilé de la « maladie des cinq jours ». Combien aussi, parmi ceux qui en réchappent, en est-il qui vivent seulement d’une vie de maladie et de démence ? Autant l’air environnant de la libre montagne et le travail au dehors sont excellents pour développer la force et l’adresse de l’homme valide, autant l’espace étroit et l’ombre humide de la cabane contribuent à empirer l’état du goîtreux et du crétin. À côté d’un frère qui devient le plus beau et le plus fort des jeunes gens, se traîne un autre frère, sorte d’excroissance charnue horriblement vivante !