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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

fond d’une crevasse, d’où il lui était impossible de remonter, le crétin ne s’était pas consumé en efforts inutiles ; il attendit avec patience, frappant le sol de ses pieds afin d’entretenir la chaleur animale, et patienta ainsi tout un soir, puis toute une nuit, puis une moitié de la journée suivante. Alors, ayant entendu crier son nom par ceux qui le cherchaient, il répondit, et bientôt après il fut retiré du gouffre. Il ne se plaignit que d’avoir eu grand froid.

Mais, quels que soient, hélas ! les privilèges et les immunités du crétin, quoique le malheureux n’ait pas à craindre les soucis et les déceptions de l’homme qui se fraye à lui-même son chemin dans la vie, il n’en faut pas moins tenter d’arracher le crétin à son « innocence » et à ses maladies dégoûtantes pour lui donner, en même temps que la force du corps, le sentiment de sa propre responsabilité morale. Il faut le faire entrer dans la société des hommes libres, et, pour le guérir et le relever, il faut connaître d’abord quelles on été les causes de sa dégénérescence. Des savants, penchés sur leurs cornues ou sur leurs livres,