Page:Reclus - Histoire d'une montagne, 1880.djvu/237

Cette page a été validée par deux contributeurs.
228
HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

versant opposé. En foi du traité qu’ils venaient de conclure, les trois seigneurs remplirent leur main droite de quelques gouttelettes de la fontaine, et chacun en aspergea le gazon de son domaine.

Mais, hélas ! les beaux jours ne durent pas et les nobles comtes ne sont pas toujours souriants et bons camarades. Les trois amis se brouillèrent, la guerre éclata. Vassaux, bourgeois et paysans s’égorgèrent dans les forêts et ravins pour changer de place la borne des trois comtés. La plaine fut dévastée et, pendant plusieurs générations, des torrents de sang coulèrent pour la possession de cette goutte d’eau qui sourd là-haut sur les paisibles hauteurs. Enfin, la paix est faite, et si la guerre recommence, ce n’est plus entre les trois barons ni pour la conquête d’une simple fontaine, mais entre de puissants souverains et pour la possession d’immenses territoires avec des montagnes, des forêts, des fleuves et des villes populeuses. Ce ne sont pas non plus quelques bandes mal armées qui s’entre-massacrent, ce sont des centaines de mille hommes, pourvus des moyens de destruction les plus scien-