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LE LIBRE MONTAGNARD.

bliettes. Je me penche au-dessus du trou noir et cherche à discerner quelque chose, mais je ne vois rien. Il me faudrait avoir le regard aiguisé par une longue obscurité pour distinguer les reflets égarés dans ces ténèbres. Trou sinistre ! J’ignore les meurtres dont il a été complice, mais je frissonne de peur en le voyant, et, comme pour chercher de la force, je regarde vers le bleu du ciel encadré par les quatre murailles de la tour. Une chouette troublée tourbillonne là-haut en poussant son aigre cri.

Un escalier pratiqué dans l’épaisseur du mur permet de monter jusqu’aux créneaux. Plusieurs marches sont usées, et l’escalier se trouve ainsi changé en un plan incliné fort difficile à gravir ; mais, en m’appuyant aux parois, en m’accrochant aux saillies, en glissant dans la poussière pour me relever, je finis par atteindre le couronnement de la tour. La pierre est large, et je ne cours aucun danger ; cependant, j’ose à peine faire quelques pas, de peur d’être entraîné par le vertige. Je suis perché tout en haut, dans la région des oiseaux et des nuages, entre deux abîmes. D’un