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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

mière ; on s’élève en plein ciel, pareil à l’aigle que son vol soutient au-dessus de la lourde planète. À ses pieds, bien au-dessous de la cime, on aperçoit ce que la multitude d’en bas appelle déjà le ciel : ce sont les nues qui voyagent lentement au flanc des monts, se déchirent aux angles saillants des roches et aux lisières des forêts, laissent çà et là dans les ravins quelques lambeaux de brouillards, puis, volant au-dessus des plaines, y projettent leurs grandes ombres aux formes changeantes.

Du haut du superbe observatoire, on ne voit point cheminer les fleuves comme les nuages d’où ils sont sortis, mais leur mouvement se révèle par l’éclat brasillant de l’eau qui se montre de distance en distance, soit au sortir des glaciers brisés, soit dans les petits lacs et les cascades de la vallée, ou dans les méandres tranquilles des campagnes inférieures. À la vue des cirques, des ravins, des vallons, des gorges, on assiste, comme si tout d’un coup on était devenu immortel, au grand travail géologique des eaux creusant, évidant leurs lits dans toutes les directions autour du