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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

a peur de marcher sur quelque vipère blottie entre deux pierres ou de tomber dans l’ouverture de quelque oubliette encore béante. Avançons pourtant en regardant attentivement à nos pieds ! Nous arrivons au bord du puits qu’entoure heureusement un reste de margelle. Nous nous penchons avec effroi au-dessus de la gueule noire du gouffre, et nous cherchons à en sonder la profondeur à travers les scolopendres et les fougères enguirlandées. Il nous semble discerner au fond le vague reflet d’un rayon égaré dans l’abîme ; nous croyons entendre monter vers nous comme un murmure étouffé. Est-ce un courant d’air égaré qui tourbillonne dans le puits ? Est-ce une source dont l’eau suinte à travers les pierres et tombe goutte à goutte ? Est-ce une salamandre qui rampe dans l’eau et la fait clapoter ? Qui sait ? Autrefois, nous dit la légende, les bruits confus qui sortaient de ces profondeurs étaient les cris de désespoir et les sanglots des victimes. L’eau du puits repose sur un lit d’ossements.

Je détourne avec effort mes yeux du gouffre qui me fascine, et je les reporte sur la masse