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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

latérales se voient encore les traces des herses et d’autres moyens de défense. Aucune fenêtre ne donne vue sur l’immense étendue des vallées environnantes ; les seules ouvertures sont des meurtrières où passaient autrefois les javelots et les canons des fusils. Encore aujourd’hui, les descendants de ces malheureux, assiégés de génération en génération, n’osent bâtir leur demeure au milieu de leurs champs. Ils pourraient le faire, mais la coutume, de tous les tyrans le mieux obéi, les parque toujours dans l’antique prison.

Les hautes vallées de la montagne étaient libres, libres les montagnards ; mais, en dehors des passages étroits où ne s’étaient jamais hasardés impunément les agresseurs, un promontoire presque isolé portait le château fort d’un baron. De là-haut, le brigand, anobli par ses propres crimes et par ceux de ses ancêtres, pouvait surveiller les plaines environnantes ainsi que les ravins et le défilé de la montagne. Comme un serpent enroulé sur un rocher et redressant sa tête inquiète pour guetter un nid plein d’oisillons, le bandit regarde du haut de son donjon ; il n’ose attaquer les monta-