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HISTOIRE D’UNE MONTAGNE.

elle les fait siens, leur donne des mœurs spéciales, un certain genre de vie, un caractère particulier. Quelle que soit sa race originaire, le montagnard est devenu tel qu’il est sous l’influence du milieu qui l’entoure ; la fatigue des escalades et des pénibles descentes, la simplicité de la nourriture, la rigueur des froids de l’hiver, la lutte contre les intempéries, en ont fait un homme à part, lui ont donné une attitude, une démarche, un jeu de mouvements bien différents de ceux de ses voisins des plaines. Elles lui ont donné en outre une manière de penser et de sentir qui le distingue ; elles ont reflété dans son esprit, comme dans celui du marin, quelque chose de la sérénité des grands horizons ; dans maints endroits aussi, elles lui ont assuré le trésor inappréciable de la liberté.

Une des grandes causes qui ont contribué à maintenir l’indépendance de certaines peuplades des montagnes, c’est que, pour elles, le travail solidaire et les efforts d’ensemble sont une nécessité. Tous sont utiles à chacun, et chacun l’est à tous ; le berger qui va sur les hauts pâturages garder les troupeaux de la